Quels enseignements peut-on tirer du psychodrame de ce week-end ?
Retour d’abord sur les faits. Une convention sur l’Europe est en préparation et avant que le texte ne soit amendé par les militants, il est diffusé à la presse. La conséquence c’est qu’en « soumettant » le texte aux codages médiatiques, on cadre a priori le débat par dessus la tête des militants puisque le commentaire des observateurs s’impose toujours aux acteurs dans la société dans laquelle nous vivons.
Dans les débats de cette commission des résolutions – six heures de débat – chacun a pu contribuer, pour peu qu’il restait aux débats car ce qu’il faut noter c’est que la présence des uns et des autres n’était pas toujours exemplaire…
Le Parti socialiste vit sa vie et il définit lui-même ses orientations. Si dans un pays démocratique, le parti et l’Etat ne font pas qu’un d’autant que le multipartiste existe, dans la Ve République, qui minimise le rôle des partis politiques, il est normal que les formations politiques s’expriment. Ca ne manque pas de sel de voir des membres d’un gouvernement de gauche se mouler à ce point dans les institutions qu’ils imaginent normal de limiter l’expression de la formation dont ils sont issus.
Le fait d’ailleurs que ce que Claude Bartolone a justement qualifié de « tempête dans un verre d’eau » se déroule dans un contexte où on veuille nous faire avaler une fois de plus la tarte à la crème du gouvernement d’union nationale montre à quel point la dépolitisation des « élites » est avancée, quand elle n'est pas teinté d'hypocrisie.
Cette dépolitisation se caractérise par cette tendance maladive à l’indifférenciation. C’est-à-dire par une habitude qui consiste à minimiser les désaccords ce qui donne une inévitable impression de connivence. Quand la gauche et la droite se ressemblent de trop, il y a de quoi s'inquiéter.
Par exemple sur cette affaire avec Merkel. Dans les discours de congrès ou de conseil national, dans les discussions politiques, elle en prend pour son grade car elle n’est rien moins que la chef de file de la droite allemande au pouvoir et celle qui influence les politiques d’austérité en Europe. La litanie des plans de rigueur, des attitudes à l’égard de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie, l’impression que l’intergouvernemental prenant le pas sur le duo Van Rompuy-Barroso, tout cela subitement ne gène plus personne ! Et comble de folie, on nous accuse de germanophobie parce que nous critiquons la droite allemande !
En s’abstenant de désigner notre adversaire en Europe, nous le renforçons car lui ne se prive pas. Merkel a fait campagne pour Sarkozy. Elle a eu des mots durs pour François Hollande. Son parti au plan européen, le PPE, le même que l’UMP, a dans ses membres de vraies crapules : Borrisov le bulgare dont le parti, le GERB, même les gens sur écoute et fait régner un climat d’intimidation, Orban le Hongrois qui s’attaque à la démocratie, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse et les Roms, sans parler des politiques d’austérité au Portugal – même la cour constitutionnelle a tenté de les stopper ou en Italie et en Espagne. Faut-il rappeler que les amis européens de madame Merkel s’appellent Berlusconi, Buttiglione, Bolkestein ?
La germanophobie consiste à dire que c'est la nature même de l'Allemagne qui est à l'origine de tout alors qu'il s'agit de la droite allemande. Car nous prenons en considération les millions de précaires allemands sur le dos desquels se fait la prospérité allemande.
Tant que l’Europe reposait sur le compromis historique entre la démocratie chrétienne et la social-démocratie autour de l’Etat providence, on pouvait avoir vaguement des points d’entente. Depuis que la droite est devenue essentiellement ultra-libérale, clairement conservatrice, il ne peut qu’y avoir des points de frictions et d’affrontement avec une gauche qui entretemps a probablement saisi qu’il ne fallait pas confondre modernisation et droitisation.
Quand Marx et Engels écrivaient dans l’Idéologie allemande en 1846 « À toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes ; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante », ils ne disait pas autre chose que ce que nous vivons aujourd’hui, c’est-à-dire l’hégémonie du néo-libéralisme et de cette conviction qu’il n’y a guère d’alternative. Cela se vérifie par la réticence de certains socialistes à comprendre qu’il faut cibler Merkel pour convaincre qu’il y a un autre chemin pour les Allemands – c’est le programme du SPD et pour les Européens, c’est le programme du PSE auquel le PS et le SPD contribuent avec d’autres.
Voilà pourquoi dire que nous voulons « une autre Europe » ou dire que « si l’Europe ne renoue pas avec la solidarité, elle mourra » est juste.
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