Denis Sieffert fait partie de ces journalistes qui poursuivent leurs engagements de politiques de jeunesse par la plume. Au chaud à leurs bureaux, ils contribuent à la réflexion des militants parfois. Mais souvent, parce qu’ils ont décidé de n’endosser que l’aspect le plus confortable de l’engagement, ils se dégagent des contraintes de l’engagement et de l’action politique dont les formes ne sont pas toutes intellectuelles…
Moyennant quoi ces militants dégagés administrent leurs avis sur une gauche de gouvernement à la réussite de la laquelle ils ne participent pas. Pas à cause d’orientations politiques qu’ils ne partagent pas, mais précisément en refusant même d’essayer d’influencer ces orientations politiques.
C’est un média parti en somme, un parti pris de journalistes qui se distinguent de ceux de leurs confrères qui sont dans « les grands médias », dépendant des grands groupes – y compris Libé ou l’Obs. Eux sont indépendants ! Ils ne croient pas tant que cela en la politique sauf comme quelque chose d’inatteignable.
Quelques enseignements de leur histoire
Quand Edwy Plenel se définit comme un « trotskyste culturel », il dit tout. S’il y a eu rupture idéologique ou au moins une prise de distance, ce n’est comme pour leurs anciens camarades devenus socialistes, faire de la politique dans d’autres formations, mais pour garder cette intransigeance sans que jamais elle ne s’engage dans une action de masse. Le doute, la suspicion, la volonté de « démasquer » les embusqués les intéressent plus que l’élaboration d’un programme social, économique ou politique praticable… Là où d’autres se sont recyclés dans les mouvements sociaux, le syndicalisme ou la politique au sein de partis de gauche, ceux-là informent en incitant leurs lecteurs à douter, à ne plus croire en rien.
On voit bien que pour façonner un paysage favorable à une gauche alternative, il faut « disqualifier » celle qui existe en faisant rien moins que d’exclure avec arrogance et un aplomb sans borne, le PS – et donc ses militants tout autant que ses dirigeants – du champ de la gauche…
Notre morale et la leur
Outre que nous n’avons pas de leçons de gauche à recevoir, nous restons fidèles à notre volonté d’être unitaires pour deux et nous n’acceptons pas comme militants de nous laisser insulter et si nous dénions à la « gauche critique » le droit de nous décerner quelque brevet que ce soit. Les seuls juges que nous reconnaissons ne sont pas les sondeurs ou les commentateurs, ce sont les électeurs et avant eux, nos concitoyens tous les jours. C’est nous sommes qui, dans le combat, sommes en première ligne. Nous avons revendiqué le pouvoir après avoir gagné les élections. C’est nous qui nous coltinons les pressions de nos adversaires et du système ainsi que les impatiences de ceux que nous voulons défendre dans une situation que nous n’avons pas créée. Nous nous battons avec les seuls armes dont nous disposions, pas nos langues, pas l’insurrection, mais la démocratie…
Car c’est bien le problème de ces poivre et sel. La défense de la démocratie implique une intransigeance morale. Mais il ne s’agit pas de se contenter de dire qu’on est « contre ». C’est trop facile. Il faut construire des alternatives praticables au lieu de ne distribuer que les mauvais points…
On comprend bien que l’on rêve d’une alternative dans la gauche qui relègue le PS à la position de groupuscule au profit par exemple du Parti de gauche… C’est un projet politique qui a trente ans. Le prix a payer pour y parvenir est assez lourd : c’est la division de la gauche qui profite toujours aux ennemis communs.
Nous voulons démontrer que face à la tyrannie de la finance, il y a la puissance de la démocratie, mais cela veut dire qu’il ne faut pas attaquer la démocratie. En d’autres termes, il faut renforcer l’unité de la gauche sur des bases communes.
C’est là où nous divergeons de nos camarades de « la gauche critique » ou de la « gauche de plume ». Nous ne pensons pas que le « non » au PS soit le moyen le plus utile de commencer. On ne rassemble pas son camp en divisant ses partisans.
Un comité de liaison permanent de la gauche allant des écologistes au Parti de gauche doit exister pour que la majorité politique et la majorité sociale qui se sont retrouvées dans les urnes, agissent ensemble, l’une sur l’autre, l’une avec l’autre et pas l’une contre l’autre.
On se doute bien que si cela fonctionnait, si le gouvernement réussissait dans ses réformes, quand bien même celles-ci seraient directement inspirés d’échanges avec des formations les plus à gauche, cela bénéficierait beaucoup à la principale formation de la gauche et que c’est ce qui chiffonne certains… Mais à chacun ses intérêts… Chacun sa morale…
Alors comme dirait l’autre, « messieurs les censeurs, bonsoir ».
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